Tous aux abris ?

Posted on 06/01/2012 par

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Take Shelter, c’est l’histoire d’un gentil père de famille qui vit dans une banlieue suburbaine de l’Ohio avec une petite fille sourde -pour rajouter au pathos- et une très jolie femme -celle de The Tree of Life.– Les cauchemars nocturnes et les hallucinations diurnes de Curtis viennent chambouler sa vie paisible (et certainement passablement ennuyeuse). Les apparences bien lisses de son quotidien s’effritent alors que l’obsession d’une tempête le hante. Scrutant le vaste horizon au-dessus des champs ras de la région, il est persuadé qu’une catastrophe naturelle est imminente. Il décide donc de réaménager l’abri anti-tempête au fond de son jardin et s’y consacre entièrement.

Défoncer son mignon jardin au bulldozer, dévaliser les boîtes de conserves du Wall-Mart, acheter des masques à gaz dernier cri et faire arriver de l’eau potable ou de l’air respirable dans son abri souterrain deviennent des activités bien plus intéressantes que les repas familiaux, les sorties dominicales et les conversations conjugales. Cet instinct primaire de survie remet en cause l’illusion de confort et de sécurité véhiculée par l’environnement suburbain. La nature, refoulée par cet aménagement, refait irruption dans ses fantasmes. Elle vient menacer entièrement son système de certitudes en le rendant totalement dingue et paranoïaque. À partir de là, sa femme et son meilleur ami deviennent des ennemis secrets, sa voiture et sa maison sont des endroits menaçants, bref plus rien ne va. Il entend des coups de tonnerre terrifiants, voit le ciel se fissurer d’éclairs dignes du Lightning Field de Walter de Maria et se fait tremper par une pluie visqueuse pleine d’oiseaux morts.

Après c’est nul pour tout vous dire. On s’attend avec délectation à voir toutes ces baraques dégueu et tous ces beaufs qui mangent des frites se faire souffler par une bonne grosse tornade, le tout sur grand écran avec son dolby surround. Genre Fukushima ou Sumatra parce qu’on sait que les effets spéciaux c’est encore mieux quand c’est naturel. Mais ça n’arrive jamais. C’est tout juste une histoire sur l’ennui, la folie, la peur, l’amour et ce genre de trucs. Il parait que c’est une parabole pour évoquer la crise économique rampante et silencieuse. Et puis finalement il y a cette scène magnifique où ils passent la nuit tous les trois dans le fameux « shelter » sur des lits de camps avec des masques à gaz pour échapper à la terrible tornade qui arrive enfin. Le lendemain matin rien n’a bougé, à peine quelques branches arrachées et des fils électriques un peu abîmés. C’est sûrement ça le plus flippant.

Posted in: OBSCÈNE, SUBURBAIN