
Rem Koolhaas ingurgite tout ce qui passe à sa portée.
Il a commencé par épuiser le modernisme et le post-modernisme en synthétisant le suprématisme et le surréalisme dans New York Délire. Croisant le rationalisme mécanique de Le Corbusier – auteur – avec le pragmatisme de l’étude de la ville existante de Venturi – chercheur -, il synthétise le radicalisme rationnel de la modernité par la grille de Manhattan avec la folie symbolique des délires fantasmagoriques des attractions populaires de Coney Island. Purisme et art populaire sont mariés dans une fable symbolique nourri de sémiologie et de structuralisme.
1/ La première période de la production de l’OMA s’est lancée à la recherche d’une architecture vernaculaire, pop, moderne et dissoute dans la ville : Hôtel Shynx, Byzantium, Dance theater, Villa de Saint Cloud.
Ayant trouvé une esthétique, libre comme les compositions de Le Corbusier, construite avec la froideur de plans abstraits de Mies Van der Rohe, symbolique et populaire comme le prônait Venturi, l’architecte part à la conquête d’un travail sur le programme.
2/ Une deuxième période architecturale débute. Sans que cela n’est jamais été évoqué, à ma connaissance, l’inventivité de l’agence reprend le concept de design de Louis Kahn – traduit en français par principe formel ou idéalité formelle – en cassant sa statique pour le mettre en mouvement dans des stratégies programmatiques. Ces designs sont clairement expliqués dans les Patents publiées dans Content.
Les projets sont générés à partir d’une problématisation formelle du programme. La projet pour la Grande bibliothèque propose une stratégie du vide en creusant les espaces de lecture dans la masse des livres. Pour la Kunsthale de Rotterdam, la déambulation infinie dans l’espace muséal prend la forme de deux plans inclinés qui se croisent et génèrent le parcours en spirale. Pour une villa près de Bordeaux, la capacité de l’ascenseur à relier des composants programmatiques sans se soucier des transitions permet à un handicapé moteur de voyager à travers les trois étages de sa demeure.
Après avoir exploré la complexité et son expression plastique, il semble qu’un besoin de simplicité traverse les travaux de l’OMA. Peut-être que la rencontre avec Herzog et de Meuron, les concurrents internationaux de l’élite architecturale, lors de la conception d’un projet d’hôtel à New York, induit une recherche d’unification de l’hétérogénéité.
3/ Une troisième période architecturale prend forme dans des projets comme l’Ambassade de Hollande à Berlin, La Casa da musica à Porto ou La Bibliothèque de Seattle. Les bâtiments sont racés, tranchants, l’hétérogénéité des matériaux à fait place à des nuances et des variations autour d’un thème constructif, respectivement : la façade rideau en aluminium, le pan de béton et l’enveloppe structurelle.
Le schisme qui caractérise le gratte ciel selon l’auteur de New York Délire – une disjonction totale entre la façade et le programme – semble enfin avoir pris corps. C’est par le truchement d’une sculpture monolithique déformée qu’on perçoit de l’extérieur l’excitation programmatique interne. Jusqu’ici, le programme s’exprimait toujours par une hétérogénéité en façade.
4/ Après avoir dénoncé le système capitaliste et spectaculaire du ¥€$ et des Starchitectes internationales qui produisent des métropoles génériques – système dans lequel il se positionne parmi les autres – Rem Koolhaas annonce la création d’une branche de son agence consacrée à la production d’une architecture plus simple, plus sobre, plus minimale appelée paradoxalement OMA Generic.
Cette tendance à épurer a peut-être commencée à prendre forme dans le projet de centre étudiant de l’IIT de Chicago. Elle s’exprime plus explicitement dans les projets récents pour la banque Rotschild à Londres, le projet pour le Palais de Justice de Paris ou les bâtiments-couvertures conçus pour la grande halle des expositions de Toulouse ou le Labcity développé pour l’Ecole Centrale à Saclay.
5/ Ayant digéré, les courants de pensée majeurs du XXème siècle, modernité, suprématisme, surréalisme, structuralisme, post-modernisme, minimalisme, Rem Koolhaas s’attaquera-t-il à l’écologie, réussira-t-il à introduire le climat dans ses projets ? En effet, aucun des architectes les plus célèbres de la planète n’a encore réussi à intégrer la question écologique dans son architecture autrement qu’avec des dispositifs secondaires, introduits pour satisfaire aux labels locaux, ou au contraire, à travers des architectures trop explicites comme la serres, le camouflage végétal ou la décoration photovoltaïques.
Peut-être que les recherches actuelles de l’AMO sur la question de la campagne permettront à Rem Koolhaas d’avaler la question de la Nature ? Après avoir récemment interrogé les Métabolistes Japonais et leurs inspirations organiques, végétales et cellulaires, Rem Koolhaas ira-t-il puiser de la matière première chez les architectes ayant le mieux intégrés la question de la nature dans leur travail comme Franck Lloyd Wright, Alvar Aalto, Reyner Banham, Peter Zumthor ou Philippe Rahm ?
Anonyme
31/03/2016
excellente synthèse!