
C’est un bandeau à pois bleus et police rose où était annoncé « Le manga événement – 3 millions d’exemplaires ! » qui a attiré mon regard sur une BD au format de poche disposé en évidence sur le guichet d’une librairie. La couverture représentait une statue romaine dessinée comme un gravure en noir et blanc affublée d’une serviette en éponge rouge sur l’épaule. Après un rapide coup d’œil sur la quatrième de couv’ qui annonçait les aventures d’un architecte romain concevant des termes, je l’ai acheté compulsivement.
La recette du succès vient de la capacité de l’auteur à mélanger plaisir didactique et décalage spatio-temporel. On ressent à la lecture, l’excitation du voyage, découvrir et comprendre un environnement étranger.
Cette BD est un recueil d’épisodes publiés dans un magazine de manga au Japon. Chaque épisode reprend la même trame. Lucius Modestus, architecte en panne d’inspiration, visite des bains publics romains, s’y évanouit dans l’eau et se réveille dans des thermes Japonais contemporains. Chacun de ses voyages dans le temps et l’espace lui fait découvrir une nouvelle pratique ou un dispositif ingénieux qu’il adapte dans ses projets de retour à Rome. Il s’extasie devant la perfection d’une bassine en plastique, découvre avec stupeur le jet de nettoyage rectal des cuvettes de WC japonais, se délecte d’une boisson au lait parfumé au sirop de fruit, etc…
A la fois ringarde et idiote, cette BD est un puits de science. Son auteure, Mari Yamazaki, une japonaise vivant au Portugal et au Canada et mariée à un italien fait de chaque épisode une étude comparative entre des pratiques antiques et contemporaines, entre des procédés constructifs élémentaires mais ingénieux et la haute technologie japonaise. Comme à la fin des épisodes des Mystérieuses cités d’Or, chaque histoire est suivi d’un cours article documentaire historique. De manière générale, on y apprend commun les bains étaient un outil de civilisation de l’empire Romain. Ils faisaient partie des pratiques quotidiennes, les citoyens de différentes classes et âges s‘y côtoyaient nus. Il en va de même pour les japonais qui passe régulièrement se délasser dans les bains.
Cette BD est avant tout l’expression de l’ingéniosité. Elle a pour personnage principal un dispositif architectural : des bains. Elle explicite les liens que tisse cet équipement avec les utilisateurs, la maîtrise d’un environnement artificiel, le corps, l’économie, la culture, les pratiques culinaires, etc… L’auteure exploite, par une mise en abîme déguisée, un des principes même de la création : décaler dans le temps où l’espace un élément et inventer son acclimatation. Elle rappelle au passage que la création et l’imagination viennent du savoir et de la connaissance.
Posted on 05/06/2012 par Emeric
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