Pour l’union des sciences et des arts dans l’architecture française

Posted on 28/05/2013 par

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Dans le Cahier du « Monde » du samedi 18 mai 2013[1], Christine Desmoulins interroge la relation entretenue entre la France et ses architectes. Pourquoi, les architectes français ne gagnent-t-ils pas les concours organisés dans leur pays et pourquoi ne réussissent-ils pas à s’imposer à l’étranger ? Pourrait-on mettre cela sur le dos de l’autodénigrement ? A force de chercher l’excellence partout, les français s’autocritiquent et se dévalorisent sans cesse, alors que l’image de la France la place au premier rang mondial de la créativité culturelle et artistique selon une étude menée en 2012 auprès de leaders économiques et d’opinions internationaux par Ernst & Young[2]. Le rayonnement de l’excellence Français, ne devrait-il pas passer par la réunion des sciences et des arts, notamment en architecture.

L’architecte est le dépositaire du projet. Il est généralement le seul à le suivre du début à la fin, à le comprendre dans son ensemble et à en conserver la mémoire.

Comment se fait-il que l’architecte, ce « chef d’orchestre », ait pu laisser la fonctionnalité aux programmistes, la science aux techniciens, les règles de l’art aux normalistes, l’économie aux chiffreurs, la direction de chantier aux conducteurs de travaux, la représentation aux infographistes et qu’il n’ait conservé pour lui que l’esthétique comme seule compétence reconnue, alors même que la répartition des responsabilités en terme d’assurance le désigne comme omnipotent et omniscient ?

L’architecture est plus que de l’art, c’est de la science, de la technique, de l’économie, du process, de la construction, de l’usage, de la culture et du savoir.

Les grands défis des architectes français ne seraient-il pas de reconquérir leurs savoirs perdus en construction et en climatologie notamment, pour pouvoir les intégrer dans la conception ; d’étendre leurs capacités scientifiques dans les sciences humaines mais également les sciences dures pour réussir à traduire dans le projet les langues des spécialistes qui lui sont devenues étrangères.

C’est en élargissant son champ de compétences dans les sciences et techniques qu’il pourra agir comme celui qui donne la mesure des choses, là ou les bureaux d’études, les conducteurs de chantier et les normalisateurs se sont substitués à lui, sans faire la preuve de leurs réelles compétences, mais en se revendiquant de la raison scientifique et technique. Car là où le spécialiste résoudra des problèmes précis dépassant les compétences de l’architecte, seul l’architecte sera capable, par sa vision d’ensemble, d’arbitrer les décisions et faire avancer le projet.

L’architecte doit assumer son rôle de maître de l’œuvre complet, être le spécialiste des généralités.

Pour cela, l’enseignement et la formation doivent changer. Les écoles doivent devenir des lieux de formation pluridisciplinaire. Le cours de projet ne doit plus être séparé de celui de la théorie. Le projet doit intégrer les autres champs du savoir sans s’y substituer. Dans leur projet, les étudiants ne doivent plus seulement faire preuve de leur maîtrise des mots et des images mais d’une connaissance des mécanismes qui influent sur le projet comme l’économie, la climatologie, le droit, la construction, la communication.

L’innovation et l’excellence doivent redevenir les qualités de l’architecture française car elle s’est trop égarée dans le seul champ de l’art et de la culture.

L’architecture française doit devenir championne du process comme nos grands groupes internationaux de construction, fondamentale comme nos mathématiciens, innovante comme notre aéronautique, imaginative comme nos concepteurs de jeux vidéo, classique comme nos grandes marques de couture, structurante comme nos sciences humaines afin d’unifier l’hétérogénéité dans le projet.

L’architecture française devrait réunir ses compétences élargies dans des structures communes pour étendre et augmenter ses compétences de conception. Ne pourrait-on réunir architectes, ingénieurs, paysagistes, techniciens, économistes, juristes non pas autour de leur diplôme mais de leur activité professionnelle et fonder un ordre des concepteurs de l’environnement ?

Les concepteurs unifiés pourraient alors :

– Œuvrer à la simplification des règlementations, législations, codes, normes, administrations et procédures.

– Accompagner le changement des échelles d’aménagement qui, par principe éco-systémique, doivent être à la fois plus locales et plus territoriales.

– Obtenir la rémunération correspondant à leurs compétences et faire ajuster des taux de rentabilité indûment justifiée par des risques surestimés.

L’architecture française doit affirmer son excellence, son art savant de l’organisation, sa science de la construction et l’élégance de sa clarté.


[1] Christine Desmoulins, La France aime-t-elle ses architectes ?, Le Monde, Samedi 18 mai 2013.

[2] Nation Goodwill Observer, étude conçue et réalisée par W, ERNST & YOUNG, HAVAS DESIGN+, HEC PARIS et CAP, 2012

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